l'horloge de la gare de Chartres

l'horloge de la gare de Chartres

dimanche 29 avril 2018

Semaine #17 souvenirs, oublis, futur proche


















 (horloge près de la gare de Belfort)

 Lundi, mardi Ce qui se passe ne peut pas trop se dire, encore : de très bonnes premières réactions de qui lit Volte-face, l'impression que les choses vont aller vite mais rien de fait, rien de concret encore, juste une grande joie.
Le lundi matin je vais au 100 pour rien, me suis trompée de semaine de formation. J'en profite pour regarder l'exposition en cours, écouter le silence (ce sont les vacances, il n'y a pas grand monde) ; lire, préparer les deux jours qui viennent à Belfort avec la compagnie Pièces détachées. Cette fois, je ne viens pas écrire, mais animer des ateliers auprès des danseurs pendant que se construit la nouvelle pièce, Exit 87, en lien avec le premier chapitre de Cowboy Junkies peut-être et où, en tout cas, l'énergie de la jeunesse tient une place importante.














(clin d'oeil à Thierry B. au passage)

Mercredi A la vitre du TER qui me mène à Belfort, joie très simple de laisser filer un paysage que je ne vois pas souvent. J'ai emporté pas mal de livres, structuré des propositions en sachant que les choses ne se dérouleraient pas comme d'habitude, qu'il y aurait une part d'improvisation, et tant mieux (j'ai besoin de me renouveler). Dans mes bagages, il y a aussi une playlist liée à l'année 1987 concoctée par Christophe Basterra, à qui je l'ai demandée. Christophe est "celui qui" m'a offert la cassette des Cowboy Junkies à l'origine du livre : une boucle se boucle ou plutôt, quelque chose du don se poursuit.
Les danseurs, une fois que je serai repartie, feront ce qu'ils voudront de ces titres : écrire à partir d'un morceau, les passer ou non dans l'ordre donné, établir leur playlist à eux... Pour l'instant, je les écoute de mon côté.

Retrouver la gare, ses repères, Caroline Grosjean et Magali Albespy. Découvrir la nouvelle équipe, arriver, poser sa valise, en sortir les livres.


L'après-midi, au micro, sur le plateau du centre chorégraphique, lire des extraits de textes de :

Bernard-Marie Koltès (lettre à sa mère) :
"personnellement, je reste persuadé que la vie est ce qu’on en fait, et qu’il n’est pas d’âge qui soit particulièrement malheureux - si ce n’est celui où l’on abandonne la partie - et on peut l’abandonner à tout âge. Je trouverai la vie laide le jour où je me « mettrai assis » et ne voudrai plus me relever. Pour le moment - pour moi -, vingt ans, c’est l’âge d’une grande décision ; c’est l’âge où je risque ma vie, mon avenir, mon âme, tout, dans l’espoir d’obtenir plus ; c’est l’âge où je travaille « sans filet »."

Albane Gellé Bougé(e) :
"Parce que le vivant depuis le tout début du premier jour de la première cellule
bouge. Le vivant se transforme ne reste pas dans le même état – quand il ne bouge plus il est mort.
(…)
Bouger : pas remuer les bras les jambes ni courir à toute allure ni gesticuler dans tous les sens. Non. Je voudrais dire bouger, ne pas rester à la même place pour regarder dehors (ou dedans). Pas quand je décide tiens je vais bouger ce sera dur mais allons-y. Non. Bougé(e)(s) – accepter d'être. Plutôt (on ne sait pas quand)."

Anne Dufourmantelle (Eloge du risque) :
"La vie est un risque inconsidéré pris par nous, les vivants.
(…)
« Risquer sa vie » est une des plus belles expressions de notre langue. Est-ce nécessairement affronter la mort – et survivre... ou bien y a t-il, logé dans la vie même, un dispositif secret, une musique à elle seule capable de déplacer l'existence sur cette ligne de front qu'on appelle désir ? Car le risque – laissons encore indéterminé son objet – ouvre un espace inconnu."














(ils écrivent sur un long rouleau sur ce que c'était, ce que c'est que d'avoir vingt ans et de sortir du cadre)

Jeudi Journée continue dans le studio. Je me suis constituée un petit espace avec table, chaise, sacs, livres posés sur un lutrin dans un coin du plateau que les danseurs peuvent consulter. A un moment, le matin, je me lève et vais m'allonger près d'eux. Nous voilà huit au sol. J'entends les indications de Caroline.
(aller écrire, soudain, un peu de Bruits)
Ici, tout est mouvant, lire au micro, inviter à écrire, se mettre à écrire soi, prendre des photos du cadre, des murs.














(solitude d'un instant le premier jour, à flotter entre l'inconnu et l'intime)

Le vendredi, légère, partir avec des envies, des projets de retrouvailles. Dans le train du retour, je repense, un peu rassurée, à mon erreur du début de semaine, lorsque je me figurais Belfort où j'étais déjà venue pour Diptyque : je confondais avec Besançon, également liée à la pièce. Il m'a fallu la haute horloge près de la gare pour tout remettre en place, le centre chorégraphique, le lion, les rues, le grand appartement où nous dormons...  Les danseurs, qui voyagent beaucoup, mélangent eux aussi les villes, à force.

Tandis que le paysage défile à nouveau, un passage sur la mémoire me frappe dans Corderie, de Christophe Grossi, extrait que je lirai en fin d'après-midi, à Paris, pour les 36 secondes. Faudrait-il tout noter, toujours, pour réussir à tout retenir ? Devrait-on passer son temps à tout écrire ? De mon côté, et même si la raison est sans doute un peu différente de celle du narrateur de Corderie, c'est une tentation sous-jacente, régulière, fréquente (proche, alors, d'un désir compulsif) mais qui finit par tourner court : je rate un jour, puis deux ; ce qui demanderait un long développement est résumé en une phrase, etc. Je préfère me dire que si j'oublie, c'est pour faire de la place à ce qui vient.

(il faudrait écrire, pourtant, cette joie renouvelée de travailler avec les danseurs, les moments de grâce, le sentiment de privilège)
















 
A Paris, je découvre le dernier numéro de Espace(s), la revue littéraire du CNES, auquel j'ai participé grâce aux éditions de l'Attente et à Eric Pessan. Je rêvais depuis des années d'écrire dans cette revue et voilà qui est fait, brusquement !



















S'y trouvent les minutes [00:00] et [00:01] de Bruits. Pas trop envie de les relire de près, me doute qu'elles évolueront une fois le livre écrit mais tout de même, quelque chose apparaît, comme un début de collection.
(collectionner les minutes, les photos d'horloges comme auparavant celles des fenêtres : pas très étonnée d'avoir, il y a peu, lu Et si le temps n'existait pas ? de Carlo Rovelli attrapé au vol, sans réfléchir, à la bibliothèque Villon)
(et tant que j'y suis, parmi les fantasmes : expérimenter l'apesanteur, se rendre à Los Angeles, naviguer vers les pôles, se tenir à la lisière d'un grand désert)


*
La semaine prochaine, il y aura quelques retours (à Marne-la-Vallée, à Chartres avec Joachim Séné) avant un départ pour Dublin (autre lieu rêvé !)

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